Hachetague Mitou

Si vous lisez ceci, ce sera qu’après réflexion j’aurai moi aussi affiché un petit « #metoo » sur Facebook. Si je me décide à le faire (avec un retard digne de la cavalerie de Lucky Luke et dû, entre autres, au fait que la semaine dernière je rattrapais de nombreux arriérés de septièmes jours), c’est parce que, pour une fois, je crois à l’utilité des petit bips sur un grand radar commun. 

Mon histoire m’appartient (formule consacrée) et je n’en raconterai pas ici les multiples épisodes. Je me contenterai de préciser que, s’il m’a fallu beaucoup de temps, pas mal d’aide professionnelle et une poignée de hasards constructifs, lesdits épisodes sont aujourd’hui rangés sereinement dans les dossiers « affaires traitées » : c’est-à-dire que depuis un bon moment, lorsque je retourne de temps à autre subventionner la noble corporation des psyquelquechoses, c’est pour leur parler de tout autres sujets – ce qui est à porter au crédit de leur travail.  

Ce n’est donc pas la faim de parole qui me fait écrire aujourd’hui. Certainement pas non plus l’illusion de faire le tour de questions aussi immenses. C’est seulement qu’à lire témoignages et réflexions, il me trotte quelques remarques personnelles dans le crâne. Elles valent ce qu’elles valent – en tout cas, les voici.  

1) Comptez-moi parmi celles et ceux qui considèrent que si le « mitou » a une grande utilité, il a aussi un grand défaut. L’utilité, c’est de rendre un tout petit peu plus visible l’immense iceberg autour duquel nous tentons, toutes ou presque, de naviguer dans la nuit – certaines jusqu’au naufrage, la plupart moyennant de régulières avaries que nous colmatons en silence. Le défaut, c’est que, considéré seul, le slogan amalgame toutes les atteintes et toutes les souffrances. Il a l’intérêt d’un choc visuel, mais comme tel il ne dit rien de toute la complexité des situations, de tous les degrés d’un éventail qui va, pour ce qui est des actes, de la beauferie (1) au crime abject, et pour ce qui est des effets, de la petite humiliation passagère à la destruction morale et physique. A fortiori, il ne peut détailler un aspect pourtant essentiel, qui est qu’il n’y a pas de corrélation mathématique entre la gravité apparente des premiers et l’ampleur des seconds : il est des gestes « légers » qui sont des trahisons aussi dévastatrices que bien des violences reconnues comme telles. 

Cependant – et c’est peut-être cela qui va me décider à poster ceci en même temps que mon hashtag de lapin blanc – je lui vois une vertu, au mitou : c’est que, précisément en suggérant un immense continuum entre tous ces cas particuliers, il imagine, il invente peut-être, une solidarité qui, et cela aussi doit être dit, ne va pas forcément de soi. De l’affaire Weinstein à – eh oui – un bon paquet de gwerzioù, la constatation est vieille comme le monde : l’aggression sexuelle fait des victimes honteuses, silencieuses, et par là condamnées à panser leurs plaies en solitaire. De la navrante tôle froissée entre Christine Angot et Sandrine Rousseau chez Ruquier, je retiens la difficulté de la seconde, pourtant professionnelle du discours, à présenter en phrases cohérentes, dès le début de l’interview, un ouvrage intitulé Parler ; et surtout l’herméticité de la première, scellée en un cri du cœur : « on ne parle pas, on se débrouille ! » Que veulent dire ces mots, dans la bouche de quelqu’un qui laissera à la postérité, précisément, le récit, lui aussi professionnel, de sa propre blessure ? 

J’y entends, pour ma part, le terrible agacement du vétéran qui un jour s’est recousu lui-même sur le champ de bataille, envers le bleu qui appelle au secours pour un bras cassé. J’imagine bien qu’un écrivain qui passe sa vie à se confronter à l’indicibilité de l’inacceptable (si j’ai bien compris car je n’ai encore rien lu d’elle) ait du mal à recevoir à bras ouverts quelqu’un qui, découvrant soudainement l’une et l’autre, voit en la parole un remède magique. Cependant, je ne pourrai jamais souscrire à ces mots : oui, Mme Angot, vous, moi et pas mal d’autres avons trouvé (non sans aide, donc, en ce qui me concerne) comment stopper nos hémorragies ; mais combien de femmes et d’hommes meurent, ou vivent à moitié, de ne pas être parvenus à se débrouiller ? Je ne doute pas que Christine Angot fulmine devant cette éclosion de « moi aussi » ; mais les raisons qui font que je ne lui donne pas complètement tort sur le fond sont aussi celles pour lesquelles je m’en vais afficher cette petite fleur, dérisoire ou pas, à ma propre boutonnière.


2) Vous êtes stupéfaits, Messieurs ? Nous, c’est ça qui nous étonne. Je n’en finis pas de m’apercevoir à quel point les mieux intentionnés, les plus progressistes des hommes n’ont aucune idée de ce que vivent leurs compagnes, leurs amies, leurs sœurs. Cela vaut pour les agressions grandes et petites, mais aussi pour un océan d’autres sujets : les hommes vivent entourés d’être humains auxquels est quotidiennement rogné ou dénié le droit à la compétence, à l’autorité, à la maîtrise et même à la connaissance de soi ; des êtres humains moins bien payés, moins facilement engagés, plus vite renvoyés ; des êtres humains desquels on attend un apprêt proprement ruineux et un travail non salarié considérable ; qui ne peuvent pas aller sereinement – et parfois pas aller du tout – dans une ahurissante quantité d’endroits de la ville et du globe où eux se promènent le cœur léger (2) ; à la souffrance physique de qui les médecins n’accordent qu’une oreille passablement distraite ; tout cela, ils l’ont sous le nez chaque jour et ils ne s’aperçoivent de rien ? Mais sur quoi donc portez-vous votre attention du matin au soir, très chers, pour que nos vies vous restent invisibles tout le temps de la vôtre ? Et ce, alors que l’écrasante (c’est le mot) majorité de nos handicaps est liée à ce que, collectivement, vous attendez de nous, quelle que soit la part que nous y prenons nous-mêmes ?  

Une certaine réponse féministe est que vous ne voyez pas le problème parce que vous en êtes vous-mêmes constitutifs. Je suis tout aussi féministe, et je crois le monde plus complexe que cela. Mais ne voyez-vous pas, par exemple, le point commun qu’il y a entre un homme qui persiste à vouloir vous embrasser quand vous avez clairement exprimé votre refus, un décideur qui vous parle comme si vous n’aviez aucune expérience de votre métier, et un accoucheur qui ne vous écoute pas crier que votre douleur ne vous paraît pas normale ? Un indice : dans les trois cas, l’homme part du principe qu’il sait mieux que la femme, y compris ce qu’elle vit elle-même. Ouvrez les yeux, messieurs mes amis, et jouez à repérer les occurrences de ce phénomène autour de vous, voire en vous. Vous serez, là encore, surpris. 


3) Mitou, oui… mais pas au boulot. C’est même peut-être là une chose assez remarquable : j’ai déjà vécu une somme passablement déprimante d’agressions et de harcèlements, mais jamais au travail. Dans mon expérience – qui n’est que la mienne –, la musique bretonne (de même que ce que je vois de la musique classique) est un milieu machiste ô combien, mais rarement misogyne. Certes, c’est un milieu qui, comme tant d’autres, n’accorde pas aux femmes le crédit qui échoit d’office aux hommes, et je vous prie de ne pas sous-estimer la souffrance et la rage que cela engendre ; c’est aussi un monde où, pour s’intégrer, il vaut mieux ne pas être une fleur de serre délicate, incapable de rire à une blague leste, de lever le coude ou de se changer dans un coin de salle (3). Cependant, pour ma part, en vingt-cinq ans de carrière, j’y ai connu bien des ambiguités, mais partagées et belles ; quelques propositions, mais toujours respecteuses et respectueusement retirées au premier refus, sans autre conséquence qu’un petit grain d’amitié supplémentaire. Seules exceptions, de très rares occasions où il m’est apparu soudain, disons, pas impossible que ces messieurs aient tenu pour acquis que j’allais finir dans le lit de l’un d'eux – assez pour être mal à l’aise et soulagée que tel ou tel projet ne se poursuive pas, voire pour essayer, un soir, d’arriver à l’hôtel à un autre moment que mes collègues ; mais rien qui mérite le qualificatif de harcèlement, rien qui me fasse craindre pire, à l’hôtel en question, qu’un moment bien embarrassant pour tout le monde. Ce n’est pas brillant, d’accord, mais à côté de ce à quoi j’ai pu échapper, ou pas, ne serait-ce que dans l’espace public avant mes vingt-cinq ans, ça reste « Oui-Oui et la voiture jaune ». 


4) Le rôle primordial des circonstances, ou pourquoi il faut des lois même si ce n’est pas pour les appliquer systématiquement : ça y est, on commence à les entendre, les petits industriels de la contradiction automatique ; une belle salade de « si on ne peut plus complimenter une femme », à la sauce « la gauloiserie, valeur sacrée », saupoudré de « non à l’aseptisation » et servi sur un lit de « moimoimoi, je refuse le politiquement correct », avec accompagnement optionnel de « tout de même, elles le cherchent bien un peu » dans un bol à part. Laissons ces zemmouriens à leur marais saumâtre (4), et adressons-nous aux hominidés dignes de ce nom, ceux qui s’inquiètent sincèrement du mal qu’ils ont pu faire sans le vouloir et des moyens de l’éviter à tout jamais : messieurs, c’est moins ce que vous pouvez dire que quand, à qui, et dans quelle intention vous le dites.  

Le jour où un musicien a écrit à tout un groupe, au milieu d’un échange de mails tout-à-fait sérieux, « il y a six chambres au gîte et nous sommes sept ; il suffira que Marthe fasse un effort et dorme avec l’un d’entre nous chaque soir pour que tout se passe bien », j’ai simplement ri, et j’en ris encore, à gorge déployée. Mais mon rire ne signifie pas que j’estime que n’importe qui pourrait écrire cela de n’importe qui et à n’importe qui d’autre ; si je ris, c'est parce que je connais peu d’hommes aussi profondément exempts de machisme que l’auteur de ce mail, et parce que lui nous connaissait assez pour savoir que j’allais être amusée, et que l’équipe entière n’y entendrait rien d’ambigu non plus. Je suis également tout-à-fait certaine que si un jour j’étais blessée par une plaisanterie de tout ce beau monde, je pourrais m’en ouvrir immédiatement et cela n’aurait d’autre conséquence que des excuses et une conversation enrichissante pour tous (le cas ne s’est jamais produit, bien sûr). Bref, je ne voudrais pas vivre dans un monde où cet ami et collègue n’oserait plus faire cette blague ; je voudrais vivre dans un monde où seuls les gens comme lui se la permettent, et seulement avec des gens comme moi et – j’insiste sur ce point – comme le groupe entier. En d’autres termes : seulement dans un rapport amical où la probabilité est parfaitement nulle 1) que la blague soit autre chose qu’une blague, 2) que j’en sois heurtée pour quelque raison que ce soit, 3) que même en restant une blague, elle serve à « me remettre à ma place », c’est-à-dire à asseoir, même inconsciemment, une domination souhaitée ou hiérarchique, et 4) qu’une (déjà improbable) protestation de ma part m’attire le moindre ennui. 

Alors, « peut-on », oui ou non, pour moi, faire une blague pareille entre collègues de travail ? La loi est claire : si nous étions salariés dans une entreprise, ce mail pourrait constituer un harcèlement… Et au fond, même si je viens de dire que je souhaite que l’on puisse toujours plaisanter quand les circonstances s’y prêtent, je ne crois pas que la loi soit excessive pour autant. Je le répète, je pense que mon collègue ne se serait jamais permis cela s’il n’avait pas été sûr que j’en serais très amusée – et l’idée de m’en plaindre me paraîtrait aussi incongrue que, disons, celle de manger ma dernière taille de haie en salade ; mais la loi doit exister parce qu’il n’y a pas que des gens comme lui et moi. Elle n’est pas une caméra de surveillance, braquée sur tous les échanges et sanctionnant toute la complexité des relations humaines ; elle est une arme de défense indispensable, parce qu’il n’est pas difficile d’imaginer d’autres situations où un homme, écrivant les mêmes mots à la cantonnade à propos d’une femme, soit en fait, volontairement ou non, en train de l’humilier publiquement, et/ou de lui faire payer un refus (voire une acceptation) sous couvert de plaisanterie. 

Je réfléchis beaucoup, ces jours-ci, sur mon séjour d’il y a vingt ans, trois mois du côté de la Place de Clichy. Dans des petites rues encore à la Doisneau et pleines d’habitants de la planète entière, je crois que je n’ai jamais couvert les 500 m de mon appartement au métro sans recevoir un compliment masculin ; et pourtant je n’aurais jamais parlé de « harcèlement de rue » dans ce cas précis. Il n’y avait jamais un mot négatif ou dominateur, jamais d’insistance ni de sous-entendus lourdingues, et bien sûr jamais un geste : c’était bon enfant et, à vrai dire, pas désagréable du tout, presque une façon de se dire bonjour. Souvent je répondais d’un petit « merci !» souriant mais sans réplique, en continuant ma route (eux non plus ne s’arrêtaient pas). Certes j’y perdais le luxe de me croire invisible et, si polis soient-ils, les mots me ramenaient à ma différence féminine ; mais je ne me suis jamais sentie méprisée ni en danger ; il y avait même quelque chose de sécurisant au caractère collectif de la chose, quand je rentrais du boulot à une heure du matin et que les épiciers de nuit me saluaient de cette façon. Dans d’autres quartiers à la même époque, oh que oui – de Paris, de banlieue, d’autre villes, sur les chemins de forêt et les aires d'autoroute –, je me suis fait draguer pesamment, regarder de travers, suivre malgré mes protestations, traiter de salope, jeter des choses à la figure, et le petit commentaire en passant pouvait être dégradant même s’il employait les mêmes mots : il suffisait que le ton ou le regard change. Mais jamais dans « mes » petites rues. Et je m’interroge : dans quelle mesure prenais-je ce quotidien avec bonne humeur parce que j’étais de passage et que ce curieux rituel avait quelque chose d'exotique ? Voudrais-je de cela tous les matins de ma vie ? Ce que cela avait d’agréable – échanger un petit sourire avec un inconnu, s’entendre dire qu’on est belle sans conséquence aucune – est-il compatible avec l’égalité de droits à laquelle j’aspire ? Moi-même, parfois, j’aurais envie de dire à certaines personnes dans la rue, hommes ou femmes, qu’elles sont belles et que leur vue me réjouit. Je ne me le permets qu’à propos des chiens… Mais que se passerait-il, grands dieux, si je complimentais à mon tour un homme dans la rue ? 

Peut-être que c’est cela que je voudrais : un monde sans harcèlement, certes, c’est-à-dire sans l’expression intrusive d’une domination – parce que je rêve d’un monde sans domination. Mais peut-être cependant un monde où chacun, homme comme femme, pourrait, de temps en temps, en passant, respectueusement complimenter un(e) inconnu(e) ? Je sais que ce n’est pas la vision d’avenir des féministes américaines, pour qui il est impossible de « respectueusement complimenter un(e) inconnu(e) » parce que cela vous place de fait en position de juge face à quelqu’un qui n’a rien demandé et dont vous envahissez l'espace. Et sans doute est-ce une utopie, de toute façon. Je repense à ces petits mots en l’air et au fait que, souvent, ils m’ont tout simplement fait plaisir au même titre que le sourire de l’automobiliste qui vous laisse passer ou de la personne à qui vous tenez la porte… Je n’ai pas de réponse simple et claire. A fortiori, rien d’autre à dire à un homme désireux de ne jamais mal faire que : « 1) si tu as le moindre doute sur l’accueil que tu vas recevoir, c’est qu’il s’impose de t'abstenir ; 2) si tu dois prendre mal une réaction de refus, alors tais-toi toujours et profite de ce silence pour réfléchir un bon coup sur toi-même ». Mais en écrivant cela, je me doute bien que mes « complimenteurs » d’il y a vingt ans ne cochaient sûrement pas tous les bonnes cases… Affaire de circonstances, donc, et je suppose que les cas où elles sont favorables sont une minorité dans le flot des jours. Et je suis bien consciente de l’impossibilité de généraliser : moi, je trouvais ça plutôt drôle et agréable, une autre femme avait le droit d’en être heurtée. A cette autre femme, puis-je me contenter de dire à mon tour « on se débrouille » ? Bien sûr que non. 

La chose a été beaucoup soulignée ces derniers jours, et c’est peut-être là une conséquence positive de tout cet émoi : l’enjeu n’est pas sexuel – l’enjeu de la plupart des agressions comme celui de la conversation en cours – , l’enjeu, c'est le pouvoir. Les viols de guerre, les propositions curieusement standardisées d’Harvey Weinstein, les blagues salaces répétées envers une salariée dont il est notoire qu’elle en est blessée, tout cela vise bien moins au plaisir masculin qu’à l’affirmation, à la confirmation du pouvoir. Tant que le sexe n’est qu’une source de plaisir et de joie, il n’a pas de raison d'être plus difficile à exclure du lieu de travail que la pratique du trombone à coulisses ou du VTT. Et lorsque d’aventure l’amour s’en mêle, a fortiori le respect devrait s’en mêler aussi… Quant à l’enjeu du savoir dont je parlais plus haut, lui aussi est une question de pouvoir : celui qui sait – quoi faire, comment, pourquoi –, c’est celui à qui, en toute logique, doit revenir le commandement. 

Peut-être est-ce là, messieurs, vous que je veux croire très nombreux à souhaiter améliorer le sort des femmes qui vous entourent, ce qu’en définitive vous pouvez faire : non seulement comprendre la nécessité pour nous de vrais outils de défense légale, mais surtout ouvrir les yeux et les oreilles à tout ce qui, tous les jours, la confirme ; ce filet dans lequel le seul fait d’être femme nous condamne à nous débattre, tissé d’une déconsidération parfois très subtile, de craintes permanentes et trop souvent justifiées, du désespoir claustrophobe des murs et plafonds de verre, de devoirs contradictoires et de droits au rabais. Ce fait encore indéniable malgré tous les progrès accomplis : que du jour de notre naissance à celui de notre mort nous sommes présupposées être l’objet de votre pouvoir (et que vous, aimable lecteur, ne partagiez pas cette idée n’y change hélas rien pour l'instant). Croyez-nous, nous ne demandons pas mieux que de plaisanter avec vous ; essayez seulement de mesurer à quel point il nous est difficile, dans ce monde tel qu’il est, d’être sûres que la plaisanterie en est bien une ; essayez seulement de comprendre qu’on ne peut véritablement plaisanter qu’avec quelqu’un dont on sait qu'à la prochaine discussion sérieuse il entendra et écoutera notre voix, à égalité avec la sienne. C’est parfois le cas, et je suis la première à le savourer. Mais ce n’est pas, loin de là, notre quotidien. 



(1) Merci au Canard Enchaîné de m’avoir remémoré ce terme si approprié dans son édito de mercredi dernier. 

(2) L’autre jour encore, j’entendais parler un écrivain-voyageur dont le principe est qu’il vient loger chez les gens… Et j’avais un pincement familier au cœur. Ce n’est pas qu’il soit absolument impossible à une femme seule de voyager ainsi ; c’est que, même si elle l’ose, même si elle a une telle baraka et/ou un tel talent de psychologue qu’il ne lui arrive jamais rien, elle ne pourra jamais faire le même voyage que si elle était un homme : elle ne passera pas inaperçue, elle devra toujours expliquer, démontrer les raisons et la légitimité de sa présence. C’est la raison principale pour laquelle j’ai pour l'instant renoncé au fantasme de voyage au long cours : pas envie de faire le tour du monde des mille et une façons d’être un humain de second ordre. (On verra plus tard, quand l’âge m’aura rendue invisible ? Quel triste calcul…)

(3) Je dois préciser, au crédit de mes collègues, qu’ils sont très nombreux à me proposer de quitter la pièce ou de me réserver une loge. C’est moi qui, habituée des coulisses surpeuplées et des plages relax, ne vois généralement aucun problème à me changer à peu près n’importe où, du moment que je sais ne déranger ni ne titiller qui que ce soit ; plus jeune, je n’y pensais même pas, et à France 3 Ouest, où nous ne disposions d’aucune loge et où j’arrivais directement de l’adolescence et du théâtre amateur, je me souviens m’être changée sans la moindre vergogne sous le nez de collègues dont je n’ai compris que bien plus tard l’embarras…) 

(4) Je reconnais n’avoir pas la moindre idée de l’avis d’Eric Zemmour sur le débat en cours ; je sais seulement qu’il a, par le passé, proféré de telles insanités sur la « crise de la virilité » qu’il mérite sa place dans cette phrase.