Salut Pascal

Pascal nous a quittés sans crier gare, la quarantaine à peine entamée; son cœur s’est bêtement arrêté de battre, comme en une blague de très mauvais goût dont une part de nous ne peut se résoudre à cesser d’attendre le signal de fin.


Pascal aura promené partout la même soif, le même appétit sans mesure: pour l’amitié et l’amour, pour la fête, pour la musique. Pascal ADORAIT la musique, n’en avait jamais son saoûl; autant il aura pu être musicien dilettante, autant il aura été auditeur enragé. De la musique tout le temps, du soir au matin (et dans cet ordre), à plein volume, des monceaux de disques qu’il connaissait par cœur et dont il parlait comme un taste-vin de sa cave.


Deux ans durant, Pascal Martin a tenu le café-concert “Les Quatre Vents” à Langoat, où il a accueilli tous les musiciens dont les enregistrements accompagnaient ses journées; Yann-Guirec Le Bars a dit hier, à la cérémonie d’adieu, que Pascal nous avait offert à tous deux ans de bonheur, et c’est la vérité. On se souviendra longtemps des bœufs des Quatre Vents, d’une programmation musicale à faire monter le rouge aux joues de bien des régies municipales, et surtout du patron dont la générosité et le panache kamikaze, s’ils finirent par mener la barque à l’échouage, feront aussi briller pour longtemps une petite lumière dans les yeux de ceux qui montèrent dedans.


Moi qui, comme bien des musiciens, suis devenue avec le temps de plus en plus hypersensible à la musique, au point de lui préférer paradoxalement le silence en de nombreuses occasions pour éviter qu’elle ne rentre en conflit avec la conversation ou la pensée en cours, je me souviens avoir, en plus d’une fin de soirée, supplié Pascal d’arrêter le lecteur CD. Par pitié, pas encore d’autres musiques, d’autres discours, d’autres mondes – j’en aurais pleuré. Mais lui n’en avait jamais assez. Et ce n’était pas qu’il n’écoutât pas: au beau milieu d’une phrase, il s’interrompait pour attirer l’attention de son vis-à-vis sur une improvisation d’Ella Fitzgerald ou un trait de Planxty avec une admiration et une joie qui venaient à bout de toutes les fatigues. Vaincue, je le laissais me présenter un autre des ses disques préférés, et je me disais ce que je me suis bien souvent dit depuis: nous ne faisons pas de la musique pour des gens comme nous-mêmes, nous faisons de la musique pour des gens comme Pascal.