Les Manus et le Charles (ou: Belles Rencontres et Joviales Retrouvailles )

Ce titre est un jeu de mots pathétique, mais j’ai rapporté de la semaine dernière un rhume carabiné qui me tiendra lieu de circonstances atténuantes.

Fort heureusement j’en rapporte aussi bien d’autres virus qui ne sont pas près, ceux-là, de me quitter: dans l’ordre rétrospectif, d’abord la rencontre à l’Abbaye du Relec avec les Manufactures Verbales (photo joyeusement pompée sur leur site) qui nous ont entourées (Annie Ebrel, Nolùen Le Buhé et moi), le temps de deux morceaux en commun, d’un doux cocon de gentillesse, d’humour et de musicalité qui me donne une furieuse envie d’aller en écouter davantage. Et puis, toujours au Relec, les retrouvailles avec Lo Còr de la Plana et leur capitaine Manu Théron, encore plus décapants et généreux que dans mon souvenir. Plus la joie d’entendre, pour la première fois en vrai, la profonde maîtrise de A Filetta… Un bien beau week-end, auquel le plaisir de voir l’abbatiale pleine à craquer ne gâtait rien!


Enfin jeudi dernier, un cadeau inattendu, à l’occasion du concert avec Gilles Le Bigot et Jean-Michel Veillon. Suivant pieusement notre feuille de route, nous arrivons sur les lieux, à savoir au Musée Yole/ Milcendeau à Soullans (85); nous y apprenons que Mr Jean Yole fut écrivain et Mr Charles Milcendeau peintre, et que le musée est rempli de toiles du second.  Une fois la balance faite, histoire de ne pas mourir idiote je me mets donc en devoir d’aller balayer l’œuvre du regard, comme-ça-vite-fait-avant-de-manger, en bonne citoyenne culturée, m’attendant à me farcir sans enthousiasme une charretée de scènes bucoliques et de ciels chargés.


Abrutie.

Oh, la belle et forte claque.


Vous qui passez, même vaguement, au large de Soullans, je vous en conjure, faites le détour… A part une ébauche de page Wikipédia, je n’ai rien trouvé sur la Toile qui puisse vous donner un aperçu. Alors essayons de dire: dans les tableaux exposés au musée, on voit passer diverses influences, ici un curieux cadrage oblique, là des rouges ou des jaunes éclatants, ailleurs une pose sans apprêt ou un éclairage insolite… Comme un léger décalage qui s’affirme d’image en image, un parfum persistant et ambigu de vrai. Mais surtout, il y a les visages. Le moindre personnage secondaire est un individu, ça palpite, ça vous transperce, à l’intérieur du plus petit portrait au fusain il y a quelqu’un, vraiment quelqu’un, qui vous accueille du fond d’un bon siècle avec toute son existence dans le regard.


Je suis arrivée à table avec un retard impoli et les yeux qui brillaient – et il a bien fallu la réception chaleureuse (et le délicieux Chinon) des organisateurs et le plaisir du concert pour adoucir mon regret de ne pas avoir plusieurs heures à passer en compagnie de “La Demoiselle du bureau de poste” et du “Portrait de Philomène”…