Les grands classiques ne le deviennent pas par hasard: révisons nos Tchaikovsky pour Noël

Les musiques ont leur heure… Elles peuvent attendre des années et tout d’un coup s’imposer comme celle dont vous avez besoin exactement maintenant. Ainsi hier soir, dans la voiture qui nous emmenait vers un excellent concert de musique irlandaise (Michael McGoldrick trio), une envie subite de musique d’orchestre, d’un bon coup de tonalité et d’écriture verticale avant une soirée de reels et de jigs. Saisissant sa chance, un disque me sauta alors tout seul dans la main: la Sérénade pour cordes de Tchaikovsky. Aussitôt vu, aussitôt mis… et comme un coup à l’estomac, comme l’émotion qui m’avait transportée, petite fille, à la première écoute du Concerto n°1 pour piano.


L’un comme l’autre thèmes d’une simplicité grossière, sussurent les pisse-vinaigre, musique facile, en-dessous de la ceinture, goût d’un commun abominable – allez au diable, «bouches en pruneau» (1)! Cette musique n’est pas simple, elle est élémentaire au sens chimique du terme; parce qu’elle raconte la mécanique profonde, essentielle, de la vie. Pas l’amour, pas le doute, même pas la joie, rien qui ait un nom et des codes: bien en amont, l’énergie vitale, le grisant et déchirant fait d’être là et le désir d’en presser tout le suc.


Ecoutez Horowiz dans le Concerto: ça ne fait peut-être pas dans la dentelle (surtout que le micro est pratiquement dans le piano!), mais nous sommes en 1943 à Londres, le concert a pour but de rassembler des fonds pour l’effort de guerre. Il n’est pas question de dentelle, il est question d’un appétit, d’une marée, d’une détermination à rester debout, individu et actif. Aujourd’hui comme à huit ans, ça me soulève de ma chaise, ça me fait respirer soudain plus profondément, ça me fait pleurer de gratitude de pouvoir entendre cela se dire.



Joyeux Noël à tous!



(1): En VO: beg(où)-prun, l’une des mes insultes préférées en breton. Je pense qu’il n’est pas besoin d’expliquer l’image.


PS: Pardon pour les liens Youtube et leur son limite (pour ne rien dire des images de la Sérénade!). Mais c’est tout de même pratique, ma bonne dame…