* Gilles Le Bigot: le gâteau est au four!

Ça vient, ça vient… Ce sera finalement pour la mi-mai, le temps de fignoler l’ouvrage. Ludo Mesnil est en plein mixage, le net bourdonne de fichiers-son et de commentaires de chacun de nous; je l’ai rejoint (Ludo) un instant à Brest la semaine dernière pour réenregistrer… une syllabe! Un seul petit mot, mais pas anodin du tout, LE mot juste que je n’avais pas su trouver avant l’enregistrement d’une chanson toute neuve. En janvier, c’était donc un mot à peu près, un mot par défaut que j’avais enregistré… Et c’est en relisant les textes du livret que, alors que je ne cherchais rien comme il se doit, le mot adéquat m’a narquoisement sauté à la figure. (Je suis un peu vexée car il ne s’agit pas du tout d’un vocable particulièrement recherché; au contraire c’est même un mot très courant, un de ces petits mots qui veulent dire beaucoup de choses. Caramba, comment a-t-il pu m’échapper tout ce temps?) Et hop, on saute dans la voiture, et on s’épargne un regret!


Pour le lecteur qui n’aurait jamais suivi la fabrication d’un disque: c’est une étape curieuse que le mixage. Bien des choses sont en jeu… Ce n’est pas lui qui rend la musique bonne ou mauvaise, mais il peut considérablement en augmenter ou en réduire l’effet. Réussi, il laisse la musique claire, immédiatement compréhensible, perceptible dans sa puissance, sa délicatesse, son architecture; c’est lui qui crée les vastes espaces, ou qui mène une corde jusqu’à notre peau. Raté, il peut faire une beurnaille illisible de la mieux dosée des dentelles… En fait, c’est simple: le mixage, c’est l’étape où, après avoir fabriqué ou rapporté des meubles, des étoffes, des vases et des carreaux, on installe pour de bon ces trésors dans la pièce prévue de la maison. Ce rideau est sublime mais dans la lumière il jure avec ce plat… A moins que je rapproche cette boîte? Si je mets la commode ici je n’ai plus de place pour le portrait… En entrant, on verra d’abord ci, puis ça, je préfère qu’on ne voie pas l’armoire tout de suite… Décidément, ce bibelot ne trouve pas sa place, tant pis, je le range… Parce qu’on veut que cette pièce donne tout de suite une sensation de fraîcheur, ou de majesté, ou d’intimité, ou de clarté, ou parce que tel tableau que l’on sait vouloir y mettre conditionne à lui seul tout le reste.


Pour que ma métaphore soit exacte il faudrait ajouter que l’on joue aussi considérablement sur les lumières, voire sur les vernis des objets! Travail de décorateur professionnel plus que de simple mortel… Mais travail fascinant. J’adore assister à ce moment,  j’étais derrière l’épaule de Philippe Ollivier pour chacun des Bugel Koar et des Loened Fall, et j’étais ravie d’en reprendre une petite bouffée, l’autre après-midi, chez Ludo. J’ai toujours l’impression que là, dans l’odeur un peu synthétique que dégagent les machines en chauffant, se révèlent quelques-uns des liens entre son et émotion dans notre paradoxe familier: manipuler de petites choses concrètes pour en susciter d’immenses et impalpables.