Légitimité: PS

Il faut que j’avoue quelque chose: en écrivant le billet précédent (à propos du concept de légitimité improprement appliqué aux musiciens et à leur travail), je cherchais avant tout, égoïstement, à me désencombrer la poitrine – un peu comme ces invités trop bien élevés qui, après s’être tus toute une soirée de peur d’être malotrus en contredisant un autre convive, se réfugient dans la salle de bains pour dire ses quatre vérités au miroir. Vous me répondrez qu’en l’occurrence ma salle de bains n’est pas d’une intimité à toute épreuve, et vous aurez raison! Mais disons que j’avais seulement envie de dire à la cantonnade, une bonne fois, ce qui commençait, de lecture en discussion Facebook, à me turlupiner sec.


Ce que je n’avais pas anticipé, c’est que la même question, semble-t-il, turlupinait sournoisement pas mal de monde! Je n’ai jamais reçu autant de retours sur un courrier que sur celui-ci, via internet comme de vive voix. Et ce qui me frappe, outre leur nombre, c’est l’émotion qui les anime: des remerciements, des expressions de soulagement… J’ai l’impression d’avoir, sans l’avoir véritablement escompté, mis le doigt sur quelque chose d’important pour bien des gens et, comme toutes les choses importantes, de potentiellement douloureux. Mais à bien y réfléchir, n’étais-je pas un peu myope de ne pas y avoir pensé, quand j’ai dû moi-même consacrer plusieurs heures à ma petite rédaction, toutes affaires cessantes alors que j’avais du boulot par-dessus la tête, tellement la question devenait pour moi importante et douloureuse?


En tout cas, merci à tous! Y compris à celui qui a exprimé un franc désaccord avec ma vision des choses, et avec qui j’ai pu avoir un échange qui m’a permis d’approfondir ma réflexion. Nous ne changerons d’avis ni l’un ni l’autre, lui se plaçant au niveau du constat factuel,  «la question se pose parce que les gens la posent, on n’y peut rien», tandis que je parle du point de vue sémantique et moral, «les gens, c’est nous, et si nous faisons usage inapproprié d’un mot et d’un concept, nous y pouvons quelque chose». Mais je suis tout de même ravie d’avoir pu en débattre un peu! Tout comme je suis heureuse des discussions fructueuses que m’ont valu, au printemps dernier à propos du boulot des musiciens (un poil) plus jeunes que moi, ma grande gueule et ma maladresse.


Bref, je crois que je vais continuer à manifester l’une et l’autre dans ces pages… (En pleine fermentation: «être une femme en musique bretonne», ha ha ha!)  Le danger d’être prise en flagrant délit de bêtise publique me semble largement compensé par l’enrichissement d’en être tirée par la discussion. Sans parler du grand bonheur de s’apercevoir que l’on est, parfois, arrivé à dire quelque chose que quelqu’un d’autre avait besoin d’entendre dit.