Atmosphère!

“C’est vous qui faisiez la balance tout-à-l’heure?” me demande, dix minutes avant le début du concert, le bénévole qui garde une barrière de sécurité.

“Oui”, réponds-je benoîtement, décidée à regagner ma loge aussi vite que possible mais à demeurer sociable envers mon prochain malgré le compte à rebours. D’autant que cette question est d’ordinaire suivie d’un “ça a l’air bien” ou d’un “bonne chance!” de bon aloi, et que je serais donc bien stupide de ne pas sacrifier vingt secondes de mes préparatifs à un petit échange d’amabilités.


“Ah, continue l’autochtone, j’ai une horreur viscérale de ce genre de musique! C’est bien simple, si c’est ça que vous jouez tout-à-l’heure, moi je plante tout et je rentre chez moi!”


Que vouliez-vous répondre à cela? Je ne pouvais pas l’envoyer paître, j’avais autre chose à faire de mon énergie et je ne lui aurais pas fait changer d’avis. Je me suis contentée de lui répondre, toujours en souriant, que je ne pouvais rien pour lui, et de voler jusqu’aux coulisses, plutôt amusée qu’autre chose par l’énormité de ce que je venais de vivre.


Du reste c’était la pure vérité: je ne pouvais rien. Ni pour le guérir de sa phobie des gammes mineures non tempérées, ni pour lui apprendre les règles élémentaires de la courtoisie, ni pour lui rappeler qu’en principe elles s’appliquent de la même façon face à un musicien que vis-à-vis du commun des mortels…



(PS: c’est bien intentionnellement que je ne cite pas le festival où officiait ce brave homme. Tout grossier qu’il ait pu être, je ne voudrais pas lui attirer des ennuis.)